Catégorie : magellan

  • Le Négociant

    Âge : Environ 50 ans

    Nom: Don Gaspar de la Peña

    Statut : Marchand prospère, spécialisé dans les épices en provenance des Indes
    Personnalité :

    • Autoritaire, méticuleux, habitué à ce que tout fonctionne comme prévu
    • Fier de sa réussite, méfiant envers les dockers et les gens des rues
    • Cultivé mais hautain, il considère les voleurs comme des parasites
    • Paranoïaque sur la sécurité de ses cargaisons, mais trop confiant dans l’autorité de son nom

    Apparence :

    • Vêtu d’un pourpoint brodé aux couleurs sombres, bien entretenu
    • Porte une bague sigillaire et tient souvent un parchemin ou carnet de comptes
    • Voix basse mais tranchante, regard dur et perçant

    Rôle dans le récit :

    • Cible indirecte du vol planifié par les enfants
    • Sa cargaison d’épices représente à la fois la tentation et le danger
    • Il pourrait, dans un chapitre futur, avoir un rôle plus actif si la bande se fait repérer

  • Mateo

    Âge : Environ 27 ans
    MBTI : ENTJ (Extraversion, Intuition, Pensée, Jugement)
    Ennéagramme : Type 8 avec aile 3 (le stratège dominateur)


    🧠 Personnalité

    • Calculateur et structuré : Mateo ne laisse rien au hasard. Il anticipe, planifie, délègue. Jamais il ne prend de risques personnels, préférant manipuler les plus désespérés.
    • Charismatique et intimidant : Il sait comment parler aux jeunes des rues, comment gagner leur confiance… ou leur faire peur.
    • Pragmatique jusqu’à l’insensibilité : Pour lui, un orphelin de plus ou de moins n’est qu’une variable. Ce qui compte, c’est l’efficacité.
    • Invisible en surface, omniprésent en coulisse : On ne le voit que rarement sur le terrain. Son pouvoir repose sur ses réseaux, ses contacts, et son air de savoir tout sur tout.

    💪 Forces

    • Excellente connaissance des circuits de revente et du marché noir
    • Grande capacité d’adaptation à toutes les couches sociales
    • Maîtrise des rapports de pouvoir et des leviers psychologiques
    • Réseau étendu dans les bas-fonds comme chez les marchands douteux

    🔻 Faiblesses

    • Incapacité à créer de véritables liens humains
    • Trop sûr de lui, ce qui pourrait le rendre vulnérable à une trahison
    • Détachement moral total : il sous-estime parfois les réactions affectives des autres
    • Besoin de contrôle permanent, y compris sur des choses qu’il ne peut pas totalement maîtriser (comme des enfants)

    🤝 Relations avec les personnages

    • Rafael : Il sait que le garçon se méfie de lui, et il respecte cette méfiance. Il évite de le confronter directement, préférant passer par Diego.
    • Diego : Il le flatte, le motive, l’utilise. Il a compris que l’audace et la fierté de Diego sont de puissants leviers.
    • Lucia : Il ne la remarque même pas vraiment. Elle est un pion parmi d’autres, mais son regard le met parfois mal à l’aise.
    • Esteban : Mateo ne le comprend pas bien. Il sait qu’il observe en silence, et ça ne lui plaît pas.

    🗣 Manière de s’exprimer

    • Voix calme, posée, presque douce — mais jamais chaleureuse
    • Utilise souvent des expressions de marchand ou des métaphores commerciales
    • Ne montre jamais de colère, même quand il menace
    • Suggère plus qu’il n’ordonne — mais on comprend vite qu’il n’y a pas de place pour la négociation

    Portrait littéraire

    Mateo n’avait pas l’air menaçant à première vue. Il n’était ni grand, ni armé, ni vêtu comme un homme de pouvoir. Pourtant, personne dans les bas-quartiers de Séville ne voulait croiser son regard trop longtemps. C’était un homme aux contours flous, à la parole mesurée, au sourire trop bien poli pour être honnête. Un homme de l’ombre qui savait tout sur tout, sans qu’on sache jamais qui lui parlait.

    Il portait une veste de cuir sombre, toujours propre malgré la poussière des ruelles, et une chemise de bonne coupe dont la blancheur jurait avec le reste de son apparence. Rien d’ostentatoire, mais tout était choisi. Chez lui, chaque détail comptait. Jusqu’à la bague d’argent, fine, discrète, à peine visible à qui ne savait pas regarder — et pourtant terriblement révélatrice.

    Son visage était marqué par la vie, mais sans rides : plutôt une dureté taillée à coups de décisions froides et de pactes sans retour. Ses yeux, légèrement plissés, semblaient toujours jauger, peser, calculer. Mateo ne regardait jamais quelqu’un comme un égal — seulement comme un risque, un outil ou une marchandise.

    Il ne courait jamais. Il n’élevait jamais la voix. Quand il parlait, c’était à voix basse, et ceux qui l’écoutaient savaient qu’il n’y aurait pas de répétition. Il parlait peu, mais chaque mot faisait mouche. Il ne vous menaçait pas : il vous laissait deviner ce qui arriverait si vous échouiez.

    Dans les ruelles du port, on disait qu’il pouvait faire disparaître une cargaison… ou un enfant. Qu’il avait des accords avec des contrebandiers et quelques gardes mal payés. Mais rien ne prouvait jamais rien. Mateo n’était jamais là au moment du vol. Il n’était jamais vu avec les voleurs. Et pourtant, les épices, les bijoux, les babioles rares finissaient entre ses mains — sans bruit, sans trace.

    Mateo était une silhouette floue, un écho dans les marchés de l’ombre. Un homme qui ne disait jamais non, mais qui ne disait jamais tout.

  • Lucia

    Âge : 8 ans
    MBTI : ISFP (Introversion, Sensation, Sentiment, Perception)
    Ennéagramme : Type 4 avec aile 5 (l’individualiste sensible)


    🧠 Personnalité

    • Silencieuse mais perceptive : Lucia parle peu, mais elle observe tout. Ses silences ne sont jamais vides — ils contiennent bien plus que des mots.
    • Sensible et lucide : Elle ressent intensément son environnement, les émotions des autres, le danger… mais elle ne panique pas. Elle sait rester calme.
    • Discrète mais résolue : Elle ne se met jamais en avant, mais elle assume ses responsabilités. Quand on lui confie une mission, elle l’accomplit avec sérieux.
    • Fidèle et farouche : Elle ne donne sa confiance qu’avec prudence. Mais une fois accordée, elle est inébranlable.

    💪 Forces

    • Extrême discrétion et agilité
    • Sens de l’observation très développé
    • Capacité à se fondre dans la foule ou à se glisser dans les endroits exigus
    • Attachement profond à la bande qui la pousse à se dépasser

    🔻 Faiblesses

    • Fragilité physique due à la faim et au jeune âge
    • Émotions contenues qui peuvent l’envahir en silence
    • Risque d’isolement émotionnel (elle cache ses peurs pour ne pas inquiéter les autres)
    • Peur d’être abandonnée, qu’elle tait derrière sa loyauté

    🤝 Relations dans la bande

    • Rafael : Il veille sur elle comme sur une petite sœur. Elle le respecte profondément et ne veut jamais le décevoir.
    • Esteban : Il comprend ses silences. Entre eux, peu de mots suffisent. Une alliance tacite.
    • Diego : Elle le suit dans ses folies avec prudence. Il la fait rire, mais elle sait qu’elle doit parfois lui rappeler les limites.
    • Mateo : Elle ne l’aime pas. Son instinct la tient à distance. Elle évite même de prononcer son nom si ce n’est pas nécessaire.

    🗣 Manière de s’exprimer

    • Par des gestes, des regards, des silences pleins de sens
    • Quand elle parle, c’est bref, précis, souvent très juste
    • Sa voix est douce, posée, mais elle peut être tranchante si on dépasse une ligne rouge
    • Elle utilise souvent des images simples ou des comparaisons liées à la rue ou aux animaux

    portrait littéraire

    Lucia ne faisait pas de bruit. Elle se glissait entre les passants comme une feuille portée par le vent, sans jamais attirer l’attention, et pourtant toujours là où il fallait. On aurait pu croire qu’elle était timide — en réalité, elle était attentive. Elle voyait tout, écoutait tout, et retenait plus de choses que la plupart des adultes croisés sur le port de Séville.

    À huit ans, elle avait ce regard que seuls ont les enfants qui ont appris trop tôt à survivre. Un regard d’animal rusé, prêt à filer à la moindre alerte, mais aussi chargé de douceur et d’un instinct farouche pour ce qu’elle aime. Elle était fine, presque fragile, le visage souvent dissimulé sous la capuche élimée de sa tunique trop large. Sa peau était salie par la rue, mais ses yeux brillaient d’une lueur vive et calme, comme deux lueurs dans un entrepôt sombre.

    Quand les garçons parlaient fort, elle se taisait. Quand ils hésitaient, elle partait en éclaireuse. Elle n’avait pas besoin qu’on lui dise quoi faire. Elle comprenait. Elle lisait sur leurs visages comme elle lisait les mouvements des dockers ou les signes laissés sur les murs des ruelles.

    Elle avait apprivoisé un chat famélique, une fois, en lui tendant un morceau de pain durci. Pas pour jouer. Juste pour qu’il sache qu’il n’était pas seul. Parce qu’au fond, elle lui ressemblait. Méfiante, silencieuse, affamée — mais pas brisée.

    Quand Rafael lui donnait une mission, elle hocha la tête, sans un mot. Quand elle revenait, elle disait juste ce qu’il fallait. Pas plus. Et pourtant, c’était souvent elle qui apportait les réponses, les solutions, les chemins cachés.

    Lucia, c’était l’ombre douce dans le tumulte, la rumeur discrète qui ouvrait les voies. L’enfance silencieuse d’une ville qui oublie vite, mais qu’elle n’oubliera jamais.

  • Diego

    Âge : 11 ans
    Surnom : Loco
    MBTI : ENFP (Extraversion, Intuition, Sentiment, Perception)
    Ennéagramme : Type 7 avec aile 8 (l’épicurien audacieux)


    🧠 Personnalité

    • Charismatique et spontané : Diego est le moteur du groupe. Il aime l’aventure, déteste la routine, et vit chaque journée comme une promesse d’échappée belle.
    • Audacieux, parfois jusqu’à l’imprudence : Il saute d’abord, réfléchit ensuite — ce qui inquiète souvent Rafael.
    • Rieur, taquin, mais profondément attaché à sa bande : Il joue parfois les têtes brûlées, mais jamais au détriment des autres.
    • Très sensible à l’injustice sociale : il déteste les riches marchands, les gardes corrompus, et tout ce qui symbolise l’autorité oppressive.

    💪 Forces

    • Initiative et créativité dans les plans
    • Capacité à s’adapter et rebondir en cas de problème
    • Energie contagieuse, qui tire les autres hors du découragement
    • Bon instinct de survie malgré sa témérité

    🔻 Faiblesses

    • Agit parfois sans réfléchir aux conséquences
    • Difficulté à se soumettre à l’autorité, même bienveillante (comme celle de Rafael)
    • Peut minimiser les risques et entraîner les autres avec lui
    • Besoin constant d’action ou de nouveauté

    🤝 Relations dans la bande

    • Rafael : Il le respecte sans toujours l’écouter. Leur relation est faite d’affrontements calmes mais fréquents. Rafael le tempère, Diego le pousse à agir.
    • Esteban : Une relation d’amitié forte, entre complicité et confrontation. Esteban le calme souvent en douceur.
    • Lucia : Il la protège avec une tendresse de grand frère, tout en l’incluant dans ses aventures avec naturel.
    • Mateo : Il lui fait confiance à moitié. Attiré par ce que Mateo représente (le frisson, l’argent), mais commence à sentir que c’est dangereux.

    🗣 Manière de s’exprimer

    • Rapide, vive, avec un vocabulaire coloré et imagé
    • N’hésite pas à couper la parole ou à parler fort quand l’enthousiasme prend le dessus
    • Capable de lancer des blagues même dans les pires moments
    • Peut devenir étonnamment sérieux lorsqu’il parle de faim, d’injustice ou de liberté

    portrait littéraire

    Diego, c’était une étincelle dans la poussière. On le repérait avant même qu’il ouvre la bouche : sa silhouette vive, toujours en mouvement, trahissait une énergie contenue, prête à jaillir au moindre frisson d’aventure. À onze ans, il avait le regard trop vif pour son âge, comme s’il cherchait sans cesse un défi à relever, un pari à gagner, une limite à dépasser.

    Ses cheveux noirs en bataille retombaient sur un front souvent perlé de sueur, non pas de fatigue, mais de curiosité insatiable. Ses yeux, sombres et rieurs, sautaient d’un détail à l’autre comme ceux d’un chat des toits. Il portait ses haillons comme un déguisement de pirate, avec panache, une ficelle nouée en ceinture, une plume trouvée glissée derrière l’oreille. Tout, chez lui, était prétexte au jeu — sauf quand il s’agissait des siens.

    Quand il riait, c’était franc, sonore, comme un pied de nez lancé à la misère. Quand il parlait, il gesticulait, ponctuait ses phrases de mimiques et de clins d’œil. Mais derrière l’espièglerie, il y avait la faim, le froid, la peur de disparaître comme tant d’autres. Il les étouffait à coups de défis et d’audace.

    Rafael disait qu’il était imprudent. Esteban, qu’il fallait juste lui rappeler quand s’arrêter. Diego, lui, fonçait — pour oublier qu’ils n’étaient que des enfants dans un monde qui n’en voulait pas.

    Et pourtant, sous ses bravades, il avait le cœur tendre. Il posait une main sur l’épaule de Lucia sans y penser, l’appelait « petite » avec un sourire, mais surveillait toujours ses arrières. Pour elle, pour les autres, il aurait affronté le monde entier.

    Diego, c’était le feu de la bande. Celui qui réchauffait, qui éclairait, mais qui pouvait aussi tout brûler s’il n’était pas contenu.

  • Rafael

    Âge : 14 ans
    MBTI : ISTJ (Introversion, Sensation, Pensée, Jugement)
    Ennéagramme : Type 1 avec aile 9 (le réformateur calme)


    🧠 Personnalité

    • Responsable et pragmatique : Il n’agit jamais à la légère. Rafael préfère attendre, observer, analyser, quitte à paraître rigide ou lent.
    • Protecteur naturel : Il considère les membres de la bande comme sa famille. Il se sent personnellement responsable de leur sécurité et de leurs erreurs.
    • Peu expressif, mais profondément engagé : Il ne parle pas beaucoup de ses sentiments, mais tout ce qu’il fait est guidé par un profond attachement à son groupe.
    • Méfiant vis-à-vis des adultes, surtout ceux qui détiennent le pouvoir (comme Mateo ou les marchands). Il a appris que la confiance se gagne difficilement et se perd vite.

    💪 Forces

    • Grande force morale, il résiste à la peur et à la faim mieux que beaucoup.
    • Clairvoyant dans les situations dangereuses.
    • Inspirant le respect par son calme et sa cohérence.
    • Excellent pour prendre des décisions difficiles et les assumer.

    🔻 Faiblesses

    • Tendance à porter tout le poids du groupe sur ses épaules, parfois au point d’étouffer les autres ou de refuser l’aide.
    • Difficulté à faire confiance ou à déléguer.
    • Il peut être dur avec ceux qui prennent des risques (comme Diego), même s’il comprend leurs motivations.

    🤝 Relations dans la bande

    • Diego : Il l’admire pour son énergie, mais le considère comme un risque permanent. Il passe son temps à le freiner.
    • Esteban : Son plus proche allié. Rafael sait qu’il peut compter sur lui pour équilibrer les tensions.
    • Lucia : Il se sent profondément responsable d’elle. Sans jamais le dire, elle est sa faiblesse — ce qui le pousse à redoubler de prudence.
    • Mateo : Il le méprise. Il n’y a chez lui que de la suspicion. Pour Rafael, Mateo incarne tout ce qu’il déteste : les risques imposés aux autres, la manipulation, l’absence de scrupule.

    🗣 Manière de s’exprimer

    • Sobre, direct, toujours dans le contrôle.
    • Il ne crie jamais : il parle bas, mais on l’écoute.
    • Il n’argumente pas longtemps : il tranche.
    • Il s’exprime rarement sur ses émotions. Quand il le fait, c’est que la tension est à son comble.

    Description littéraire:

    Rafael n’avait pas besoin d’élever la voix pour être écouté. Dans la bande, il suffisait qu’il pose les yeux sur quelqu’un pour que le silence s’installe. Il avait cette présence calme, cette densité muette qui faisait qu’on le suivait sans discuter — ou presque.

    À quatorze ans, il portait déjà le poids de responsabilités trop grandes pour ses épaules maigres. Son regard sombre, toujours en mouvement, semblait voir plus loin que les autres : au-delà des murs, des gardes, des ruelles sales, jusqu’au lendemain. Il anticipait les dangers, les pièges, les mauvaises décisions. Il en avait vu assez pour savoir que survivre n’était pas une question de bravoure, mais de sang-froid.

    Toujours un peu à l’écart, il observait. Adossé à un tonneau, un mur, un coin d’ombre, son corps semblait au repos, mais ses pensées tournaient sans relâche. Ses gestes étaient lents, assurés. Il taillait un morceau de bois avec un couteau de fortune, non pas par ennui, mais pour occuper ses mains pendant que sa tête calculait. Il savait ce que chacun valait, ce que chacun risquait. Et ce qui les attendait s’ils échouaient.

    Il ne souriait pas souvent. Il n’en voyait pas l’utilité. Mais quand Lucia revenait saine et sauve, ou que Diego acceptait de l’écouter sans rechigner, un léger relâchement dans sa mâchoire trahissait un soulagement profond. Bref, discret, mais sincère.

    Il n’était pas le plus grand, ni le plus fort. Mais il se tenait droit. Pas par orgueil — par nécessité. Parce que s’il vacillait, tout le reste pouvait s’écrouler. Rafael était la colonne vertébrale de la bande : invisible la plupart du temps, mais essentielle pour que tout tienne debout.

  • Esteban

    Âge : 12 ans
    MBTI : ESTP (Extraversion, Sensation, Pensée, Perception)
    Ennéagramme : Type 6 avec aile 5 (le loyal sceptique)


    Personnalité

    • Extraverti mais mesuré : Esteban n’a pas peur des autres, mais il garde une certaine réserve stratégique. Il sait quand parler, quand observer.
    • Ancré dans le concret : Il remarque les détails que d’autres ignorent, ce qui le rend très utile pour repérer un itinéraire, évaluer une cachette ou prévoir une fuite.
    • Logique et adaptable : Il reste calme dans les moments de tension, trouve des solutions pratiques, souvent sans bruit ni gloriole.
    • Loyal mais prudent : Il veut protéger sa bande, mais doute parfois des choix des autres et a besoin de vérifier les faits par lui-même.

    Forces

    • Observateur, agile et méthodique
    • Très bon sens de l’orientation
    • Réagit vite dans l’action sans paniquer
    • Bon médiateur dans les tensions du groupe

    Faiblesses

    • Tendance à trop se méfier, parfois au point d’hésiter
    • Manque d’affirmation dans les conflits de pouvoir (notamment face à Rafael ou Diego)
    • Cache ses émotions et se protège en restant dans l’ombre

    Relations dans la bande

    • Rafael : Respect mutuel. Il s’aligne souvent sur lui, mais n’hésite pas à poser des questions quand il sent un risque.
    • Diego (Loco) : Fascination mêlée de vigilance. Esteban aime son énergie mais sait qu’il doit le tempérer.
    • Lucia : Il veille sur elle avec douceur et discrétion, un rôle de grand frère silencieux.
    • Mateo : Il n’a pas confiance. Il observe ses manigances avec lucidité, même s’il ne s’oppose pas frontalement à lui.

    Manière de s’exprimer

    • Concis, factuel, mais jamais froid
    • Quand il parle, c’est pour apporter une idée, calmer un excès ou poser la bonne question
    • Ses silences sont souvent plus parlants que les discours de Diego

    description literraire:

    On le remarque rarement au premier regard. Esteban n’est ni le plus bavard, ni le plus remuant de la bande. Pourtant, dans le silence qu’il cultive, tout parle : ses yeux, ses gestes, sa manière de se tenir légèrement en retrait tout en observant tout. Il a ce calme que donnent l’instinct de survie et l’habitude de se fier à ses propres repères. Son regard, d’un brun mat, semble toujours calculer, mesurer, anticiper.

    Assis à même les pavés, il joue aux osselets avec Diego et Lucia, mais ses doigts restent calmes, précis, concentrés. Il ne triche pas, ne fanfaronne pas. Son attention se partage entre le jeu et ce qui se passe autour : un mouvement inhabituel chez un docker, une caisse déplacée trop vite, un ordre lancé trop bas. Rien ne lui échappe vraiment.

    Ses vêtements, usés mais entretenus, sont ceux d’un garçon débrouillard. Il porte souvent une cordelette ou un morceau de métal dans une poche, des choses qu’il garde “au cas où”. Il n’est ni maigre ni fort, mais sec, endurant, habité d’une énergie discrète qui surgit seulement quand il le faut.

    Quand Rafael parle, il écoute sans jamais détourner les yeux. Quand Diego s’emballe, il lève un sourcil, soupire parfois. Mais il reste. Parce qu’il est celui sur qui on peut s’appuyer sans s’en rendre compte. Et quand Lucia parle, c’est vers elle que son regard se tourne d’abord, comme pour s’assurer qu’elle est en sécurité avant de penser à lui.

    Esteban, c’est le garçon de l’ombre, celui qu’on oublie parfois de regarder… jusqu’au moment où il fait ce qu’aucun autre n’avait pensé à faire.

  • Chapitre 21

    Lorsque Magellan entra dans la grande salle du palais, le silence s’épaissit, comme si l’air lui-même retenait son souffle. Les conversations moururent, les mouvements se figèrent. Tout convergea vers la silhouette imposante de l’explorateur et de ses hommes, leurs pas résonnant sur les dalles de pierre polie. L’odeur métallique de l’acier et du cuir, âcre et brutale, trancha avec les effluves épicés du palais. Ce n’était pas seulement une entrée. C’était une irruption.

    Les nobles et conseillers de Humabon échangèrent des regards furtifs, un mélange de curiosité et d’alarme. Une tension insidieuse rampa le long des colonnes sculptées, se faufila entre les riches étoffes et les dorures chatoyantes. Esteban, en retrait, sentit une sueur froide lui glisser dans le dos. Ces hommes portaient l’assurance de ceux qui avaient affronté les océans et survécu à des mondes inconnus. Pourtant, ici, dans cette salle opulente, ils étaient des intrus.

    Luyong, elle, ne détourna pas les yeux lorsque Magellan fit son entrée. Elle le fixa avec une intensité glaciale, scrutant son visage marqué par le sel et le soleil. Ce qu’elle vit ne la rassura pas : une foi aveugle en sa propre destinée, une certitude inébranlable. Il était de ces hommes qui ne doutaient pas, qui avançaient avec l’arrogance de ceux qui pensent que le monde leur appartient. Mais elle le savait : il n’était qu’un pion sur un échiquier bien plus vaste qu’il ne l’imaginait.

    Humabon s’avança lentement. Chaque pas résonnait, comme s’il pesait non seulement sur les pierres du palais, mais sur le destin de son peuple. Son sourire était poli, calculé, mais ses yeux, eux, observaient, jaugeaient, anticipaient.

    — Bienvenue, seigneur Magellan. Vous arrivez à un moment… stratégique.

    Un frisson parcourut l’assemblée. Les murmures, d’abord feutrés, s’intensifièrent, flottant comme une brume de doutes et de spéculations.

    Humabon plissa légèrement les yeux, scrutant les cuirasses des étrangers. Le reflet des flammes dans le métal lui rappela quelque chose. Un souvenir ancien, une menace familière. Ses doigts se crispèrent un instant sur l’accoudoir de son trône.

    — Vos armures… elles me rappellent celles des Portugais qui ont pris Malacca. Dites-moi, êtes-vous leurs alliés, ou bien leurs ennemis ?

    L’atmosphère, déjà lourde, s’alourdit encore. On aurait pu entendre une lame tomber sur le sol de marbre. Luyong sentit son souffle se suspendre, son regard oscillant entre Magellan et le roi.

    Magellan ne broncha pas. Son expression resta impassible, son assurance intacte. Après un bref silence, il inclina légèrement la tête et répondit d’une voix posée, chaque mot pesé avec soin.

    — Nous ne sommes pas alliés des Portugais. Nous servons un autre roi, celui d’Espagne. Et sachez ceci, grand Rajah : si votre royaume choisit de s’allier à la couronne d’Espagne, alors les Portugais ne vous causeront plus aucun tort.

    Un grondement sourd parcourut la salle. Certains nobles hochèrent la tête, d’autres échangèrent des regards inquiets. Une alliance avec un empire inconnu pour repousser une menace déjà bien présente ? L’équation était tentante… mais risquée.

    Luyong sentit un frisson d’inquiétude lui traverser l’échine. Trop simple. Trop évident. Une alliance avec un roi lointain pour contrer un ennemi immédiat ? Cela n’était jamais sans prix. Son regard se posa sur Humabon, tentant de lire sa réaction.

    Humabon resta silencieux un instant de plus. Son visage demeura impénétrable, mais elle savait qu’en lui, mille calculs se superposaient. Puis, d’un geste lent mais ferme, il leva la main, imposant le silence.

    — Venez dans mes quartiers, seigneur Magellan. Nous avons beaucoup à discuter.

    Les murmures s’évanouirent aussitôt, remplacés par une attente fébrile. Les véritables négociations venaient de commencer.

    Mais alors que Magellan s’apprêtait à suivre Humabon, Luyong s’avança, refusant de laisser les événements lui échapper.

    — Rajah Humabon, avant que nous ne tournions entièrement notre attention vers ces nouveaux venus, permettez-moi de rappeler qu’un accord a déjà été discuté aujourd’hui. Le royaume de Mactan a beaucoup investi dans les négociations avec l’envoyé de Brunei. Cet engagement ne peut être balayé sans considération.

    Un silence tendu s’installa. Tous attendaient la réaction du Rajah.

    Humabon tourna lentement la tête vers elle. Il la jaugea un instant, son regard scrutateur pesant chaque mot, chaque intention. Puis, d’un ton mesuré, il trancha :

    — Rien n’est balayé, Luyong. Nous discuterons de tout cela en temps voulu.

    Son attention revint sur Magellan. Il inclina légèrement la tête, un sourire indéchiffrable aux lèvres, avant de tourner les talons, quittant la salle sous une onde de spéculations et d’inquiétudes non dites.

    Luyong serra les poings. Elle savait que quelque chose venait de basculer. Et elle comptait bien ne pas rester spectatrice de ce changement.

  • Chapitre 20

    Le palais de Rajah Humabon baignait dans une pénombre tamisée par la lueur vacillante des lanternes de nacre. L’encens brûlait lentement, répandant une senteur entêtante de girofle et de bois résineux. Chaque respiration semblait porter en elle le poids des tensions qui s’étiraient entre les nobles assemblés.

    La cour royale de Cebu était en effervescence depuis plusieurs semaines. Le Rajah Humabon recevait un émissaire représentant une coalition marchande soutenue par Brunei, qui désirait ouvrir de nouvelles routes commerciales entre son pays et les chefferies philippines. Il avait déjà pu négocier un commerce libre (sans douane) avec le royaume de Mactan, mais l’émissaire savait qu’il lui fallait absolument l’accord du Rajah Humabon. Cet accord lui apporterait la possibilité de commerce avec les chefferies influentes de Cebu et Mactan, tout en garantissant un équilibre qui préviendrait les ingérences extérieures.

    Luyong, assise sur une natte de soie brodée, gardait le dos droit, le menton relevé. Seule sa main crispée sur le tissu léger de sa tunique trahissait l’acier de sa concentration. Le moindre faux pas pouvait tout anéantir. Elle détacha son regard des reflets mouvants sur le sol de marbre poli et observa à nouveau les visages autour d’elle. Chaque noble ici présent représentait une faction, un intérêt dissimulé, une allégeance parfois incertaine.

    Face à elle, Rajah Humabon scrutait son interlocutrice avec la patience calculatrice d’un prédateur. Son trône sculpté, imposant, était la preuve de son autorité, mais même le bois massif semblait ébranlé par les murmures qui parcouraient la cour. L’équilibre fragile entre Cebu et Mactan vacillait, et cette rencontre pouvait sceller une nouvelle ère de prospérité, ou un conflit imminent.

    Un tintement subtil résonna dans l’air chaud. L’envoyé de brunei, assis à quelques pas, ajusta ses bracelets de jade d’un geste lent, mesuré. Son torse tatoué témoignait de son rang et de son expérience. Il connaissait les règles de ce jeu. Chaque phrase devait être pesée, chaque regard calculé.

    L’envoyé de Brunei prit la parole avec une éloquence maîtrisée, relatant les tensions croissantes entre son pays et les Portugais depuis la chute de Malacca en 1511. Il décrivit comment ces derniers cherchaient à imposer leur domination sur les routes maritimes et à restreindre le commerce libre en Asie du Sud-Est.

    — Ces étrangers ne négocient pas, ils imposent. Ceux qui refusent de se soumettre voient leurs ports incendiés, leurs marchands capturés, leurs routes bloquées, lança-t-il avec gravité.

    Il proposa alors un pacte commercial direct avec Brunei, permettant aux navires de sa coalition marchande de faire escale à Mactan et à Cebu sans dépendre des intermédiaires portugais. Cette ouverture garantirait aux chefferies locales une connexion plus fluide avec le réseau commercial reliant la Chine, l’Inde et les îles de l’archipel malais.

    — J’ai parlé avec Lapu-Lapu, il a compris l’enjeu et a accordé certaines garanties. Mais l’accord ne peut être complet sans votre consentement, Rajah Humabon. Nous vous demandons le droit d’accoster à Cebu, d’y commercer en toute transparence et d’y établir un relais marchand, pour la prospérité de tous.

    Humabon prit la parole, sa voix teintée d’une ironie froide :

    — Ainsi, Lapu-Lapu a jugé bon d’envoyer une représentante en la personne de Luyong. Est-ce donc vrai ? Cet homme si prompt à rejeter toute influence étrangère aurait-il finalement cédé et accordé ces droits sur son territoire ?

    Il marqua une pause, croisant les bras sur son trône, jaugeant tour à tour l’émissaire de Brunei et Luyong. Un rictus effleura ses lèvres.

    — Enfin… il a au moins eu la sagesse de me reconnaître comme un acteur incontournable de cet accord. C’est déjà une concession surprenante de sa part.— Un accès facilité aux épices renforcerait autant Cebu que Mactan.

    — Sans stabilité, c’est l’ensemble du commerce qui s’effondrera, déclara Luyong, sa voix égale, maîtrisée.

    Humabon esquissa un sourire, mais son regard trahissait une prudence acérée.

    — Et si cet accord faisait de Lapu-Lapu le véritable bénéficiaire ? Que toute l’île en vienne à penser que cette alliance lui revient de droit, éclipsant ainsi mon autorité ?

    Le capitaine malais inclina légèrement la tête avant de répondre, son ton aussi tranchant que le fil d’une lame.

    — Lapu-Lapu ne cherche pas à étendre son influence. Mais un autre danger menace vos terres, Rajah Humabon : les Portugais. Ils ont pris Malacca il y a dix ans, et ils cherchent à contrôler les routes vers les îles comme les vôtres. Un traité tripartite pourrait non seulement nous permettre de bénéficier de routes commerciales plus sûres, mais aussi de garantir que Cebu et Mactan ne deviennent pas les prochains maillons de leur empire.

    Humabon haussa un sourcil.

    — Quel avantage y trouvez-vous ?

    — L’ouverture d’une route commerciale directe entre vos îles et Malacca, sans intermédiaires portugais. Une liberté plus grande pour vos marchands, une prospérité accrue, et la prévention d’une invasion future sous prétexte de “pacification”.

    Luyong sentit une légère tension s’apaiser. C’était une proposition sensée. Peut-être…

    Mais un bruit discret brisa cette tension.

    Un serviteur pénétra dans la salle, l’air grave. À son entrée, les conversations se suspendirent brièvement, puis reprirent à voix basse, une curiosité inquiète flottant parmi les nobles assemblés. Il s’arrêta à quelques pas du trône et s’inclina profondément avant de demander d’une voix mesurée :

    — Rajah Humabon, puis-je vous parler en privé ?

    Un frémissement parcourut l’assemblée. Quelques murmures furtifs s’échangèrent, les regards glissant du serviteur au roi, tentant de capter un indice sur la nature du message.

    Humabon le fixa un instant, jaugeant son messager avec un intérêt distant. Puis, d’un geste lent mais affirmé, il lui fit signe d’approcher. Le serviteur s’inclina et murmura quelques mots à son oreille. Le regard du Rajah s’assombrit d’abord, puis une lueur nouvelle s’y alluma, une réflexion rapide prenant forme dans son esprit. Il se redressa imperceptiblement, le bout de ses doigts tapotant l’accoudoir de son trône tandis qu’un sourire calculé étirait lentement ses lèvres.

    Autour de lui, les chuchotements redoublèrent d’intensité. Certains courtisans tentaient de deviner la teneur du message, d’autres échangeaient des regards inquiets. L’attente, suspendue, pesait sur les épaules de chacun.

    Humabon laissa le silence s’étirer une fraction de seconde de plus, jouant sur la tension qui s’était installée dans la salle. Puis, d’une voix posée mais ferme, il déclara :

    — Nous avons peut-être une solution toute trouvée aux soucis apportés par les Portugais…

    Une onde de murmures parcourut aussitôt la salle, des nobles échangèrent des regards interrogateurs. Certains se penchèrent vers leurs voisins, chuchotant des suppositions, tandis que d’autres fixaient Humabon avec une intensité contenue. Luyong elle-même sentit son souffle se suspendre. Elle connaissait cet éclat dans les yeux du Rajah : une décision venait d’être prise, et elle allait bouleverser l’équilibre des négociations.

  • Chapitre 13

    Le vent soufflait en rafales sur le campement installé au bord de la baie. La nuit tombait, et une tension sourde planait sur la flotte. Après des jours d’effort, l’expédition de chasse était de retour, mais l’accueil n’avait pas été celui qu’ils espéraient. Le silence inhabituel, les regards évités, les murmures étouffés… quelque chose clochait.

    Esteban se faufila entre les ombres des navires et pénétra dans la cale où Rodrigo reposait. La jambe bandée et le visage marqué par la douleur, le gabier expérimenté gardait pourtant un regard alerte. Dès qu’il aperçut le jeune mousse, il haussa un sourcil, devinant immédiatement que ce dernier avait quelque chose d’important à lui dire.

    “J’vois à ta tête que t’as mis les pieds dans quelque chose de dangereux, gamin.” Sa voix était rauque, fatiguée, mais pleine de lucidité.

    Esteban hésita un instant avant de murmurer : “J’ai… j’ai entendu des marins parler. Ils disent que Cartagena et Quesada rassemblent des hommes. Qu’ils ne font plus confiance à Magellan. Ils pensent qu’il va tous nous mener à la mort.”

    Rodrigo hocha lentement la tête, ses mâchoires se serrant sous la douleur. “Bien sûr qu’ils le pensent. Et peut-être qu’ils ont pas tort.”

    Esteban écarquilla les yeux. “Alors… tu crois qu’ils ont raison ?”

    Rodrigo grimaça, se redressa légèrement malgré la douleur, et fixa Esteban de son regard perçant. “Raison ? C’est pas une question de raison, gamin. Écoute-moi bien, et retiens ça : une mutinerie, c’est ce qu’il peut arriver de pire à une expédition.”

    Esteban fronça les sourcils, confus. “Mais si Magellan se trompe ? S’il nous mène vraiment à notre perte ?”

    Rodrigo inspira profondément avant de répondre. “Peut-être qu’il se trompe, oui. Peut-être qu’il est fou, peut-être qu’il nous fera mourir de faim sur un bout de caillou perdu. Mais tu sais ce qui est pire que de suivre un capitaine borné ? C’est de se retrouver sans capitaine du tout.”

    Le silence tomba entre eux. Seule la mer, grondant au loin, accompagnait leurs pensées.

    “Le chaos,” murmura Esteban.

    Rodrigo acquiesça lentement. “Le chaos. Quand y’a plus qu’la loi du plus fort. Quand plus personne sait qui écouter. Quand des hommes, qui hier encore buvaient ensemble, commencent à s’entretuer. Tu crois qu’ils veulent renverser Magellan pour le bien commun ? Non. Chacun veut juste sauver sa peau… et au final, ça nous condamne tous.”

    Esteban baissa les yeux, absorbant le poids des paroles de Rodrigo. Il voulait comprendre, mais une partie de lui résistait encore à cette vision désespérée.

    “Mais… ils sont nombreux, et ils sont convaincus. Et moi, qu’est-ce que je peux faire ?”

    Rodrigo le fixa avec intensité. “Écoute, observe. Ne prends pas partie trop vite. Et surtout… ne te fais pas prendre dans cette folie. Une mutinerie, ça finit toujours de la même manière : dans le sang.”

    Le silence s’étira à nouveau. Esteban sentait son cœur battre plus vite. Ce qu’il venait d’entendre ne quittait plus son esprit. L’ombre d’un danger imminent planait sur la flotte, et il savait désormais que rien ne serait plus comme avant.

  • Chapitre 12

    L’aube naissante enveloppait la vallée d’une lumière blafarde alors que Rodrigo s’éloignait discrètement du campement. Il s’enfonça dans les hautes herbes, courbé pour ne pas attirer l’attention du troupeau qu’ils avaient repéré la veille. Esteban suivit du regard son maître gabier, dont la silhouette disparaissait entre les rochers. L’attente s’installa, rythmée par le souffle du vent et le froissement de la végétation.

    Quelques minutes plus tard, Rodrigo reparut et se dirigea vers le groupe, son visage grave. Il pointa du doigt une vallée encaissée en contrebas, bordée par deux collines rocheuses.

    — Ils n’ont presque pas bougé. Ils sont près de la même source d’eau qu’hier, et cette vallée ne leur laisse qu’une seule sortie. Si on les pousse dans cette direction, ils seront obligés de passer par le goulet entre ces deux collines. Là, vous les attendrez..

    Rodrigo détailla son plan : lui et les autres marins contourneraient la vallée et avanceraient lentement en tapant sur les rochers et en criant pour effrayer le troupeau. Leur objectif était de les diriger vers l’étroit passage naturel entre les collines, où Esteban et Mouette seraient postés, prêts à frapper au bon moment. “Ne tirez pas trop tôt, attendez qu’ils arrivent à portée et qu’ils soient bien pris au piège.” Le plan fut accepté sans discussion, et chacun se prépara en silence.

    Le signal fut donné. Rodrigo et ses hommes avancèrent méthodiquement sur les flancs de la vallée, tapant sur les roches avec des bâtons et criant pour semer la panique. Comme prévu, les bêtes se mirent à courir dans la direction opposée, droit vers l’unique sortie. Certaines hésitèrent un instant, cherchant un autre chemin, mais les rochers escarpés ne leur offraient aucun échappatoire. En contrebas, le troupeau se figea une seconde avant de bondir dans une course effrénée, exactement vers le piège tendu par Esteban et Mouette. Les cœurs battants, les deux jeunes marins retinrent leur souffle.

    — Maintenant ! lança Esteban en levant son arme.

    Les tirs fusèrent. Les bêtes, prises au piège, tentèrent de rebrousser chemin mais se heurtèrent à la masse des chasseurs qui avançaient derrière elles. Plusieurs chutèrent sous les projectiles, glissant sur les roches, tandis que les survivantes s’égaillaient en panique dans la poussière soulevée par leur fuite. Une euphorie soudaine s’empara du groupe. Ils s’étaient assurés un retour triomphant, et déjà, certains marins s’activaient pour vider les carcasses.

    Alors qu’il nettoyait son couteau, Mouette s’arrêta net. Son regard se porta vers une ombre mouvante entre les rochers.

    — Attendez… vous avez vu ça ? souffla-t-il en se redressant.

    Les autres relevèrent la tête, perplexes. Un marin grogna en secouant la tête.

    — T’as peur de ton ombre, Mouette ?

    — Je te dis que j’ai vu quelque chose !

    Mais personne ne le crut, et l’activité reprit. Puis, sans prévenir, une masse bondit des ténèbres. Un puma, attiré par l’odeur du sang, se jeta sur une carcasse et tenta de l’emporter. Un marin recula en jurant, tandis que Rodrigo, plus rapide, se précipita avec sa lance.

    — Reculez !

    Le fauve rugit, ses muscles tendus sous son pelage fauve. Rodrigo tenta de l’effrayer en brandissant son arme, mais la bête n’avait pas l’intention de céder. Puis elle bondit.

    Rodrigo esquiva de justesse, mais une patte griffue l’atteignit à l’aine. Il tituba en arrière, le sang s’étalant sur son pantalon, alors que le puma s’emparait d’une carcasse et disparaissait dans les ombres.

    — Rodrigo ! s’écria Esteban en accourant.

    Le marin était à genoux, les mâchoires serrées de douleur. Le groupe se précipita autour de lui, et l’ambiance victorieuse de la chasse s’évapora en un instant.

    La panique s’installa aussitôt. Certains marins échangeaient des regards inquiets, murmurant qu’ils devaient partir immédiatement. D’autres tentaient de stabiliser Rodrigo, son visage crispé par la douleur.

    — Des bandages ! Déchirez vos chemises ! Quelqu’un va chercher de l’eau ! Allumez un feu, vite ! ordonna Esteban, sa voix claquant dans l’urgence.

    Les marins s’immobilisèrent, interloqués par l’autorité soudaine du jeune mousse. Ce n’était pas à lui de donner des ordres, mais Rodrigo était inconscient et personne ne savait quoi faire. L’hésitation ne dura qu’un instant : les ordres d’Esteban, bien que surprenants, étaient évidents. Sans un mot, ils déchirèrent des bandes de tissu pour faire un bandage de fortune, l’un d’eux courut chercher de l’eau, tandis qu’un autre s’empressait d’allumer un feu. L’instinct de survie reprenait le dessus.

    Esteban appliqua le bandage, les mains tremblantes. Il appuya fermement sur la plaie pour stopper le saignement, mais Rodrigo laissa échapper un râle étouffé. La vue du sang imbibant le tissu lui donnait envie de détourner les yeux, mais il ne pouvait pas faillir. Son mentor, celui qui l’avait si souvent corrigé et poussé à se dépasser, était là, à l’agonie, vulnérable comme il ne l’avait jamais vu.

    Autour de lui, les marins s’activaient, mais le temps semblait ralenti. Un homme revenait avec une gourde d’eau, un autre attisait le feu qui peinait à prendre. Le souffle rauque de Rodrigo, ses paupières à demi closes, sa main crispée sur le sol rocailleux… Esteban sentit un poids lui écraser la poitrine. Et si Rodrigo ne survivait pas ?

    — Tiens bon, murmura-t-il entre ses dents, serrant le bandage.

    Rodrigo remua faiblement, sa tête roulant sur le côté. Ses lèvres s’entrouvrirent dans un murmure indistinct.

    — …Gabier… hisse la voile…

    Esteban releva la tête, surpris. Rodrigo divaguait. Il ne voyait plus la vallée, ni ses hommes, ni la nuit qui s’épaississait autour d’eux. Il était sur un navire, en plein travail, peut-être des années plus tôt.

    — Capitaine… vent arrière… faut…

    — Rodrigo ! l’appela Esteban, sa voix plus forte qu’il ne l’aurait voulu.

    Rodrigo papillonna des paupières, cherchant un repère. Son regard trouble se posa sur Esteban, et il fronça les sourcils.

    — On… doit… virer de bord, souffla-t-il.

    Esteban inspira profondément, puis posa une main sur l’épaule du marin. Il était toujours là, malgré la fièvre et la douleur.

    — On va te ramener, Rodrigo, dit-il, comme une promesse.

    Le maître gabier hocha vaguement la tête, incapable de répondre, mais l’ombre d’une confiance passa dans ses yeux. Avec l’aide de deux marins, il fut hissé sur ses pieds. Il vacilla mais se rattrapa, le souffle court. Il pouvait marcher, mais à peine.

    — On retourne à la grotte, décida Esteban d’une voix ferme. Là-bas, on pourra se mettre à l’abri et organiser notre retour.— On retourne à la grotte, décida Esteban. Là-bas, on pourra se mettre à l’abri et organiser notre retour.

    Le groupe, déstabilisé, suivit ses instructions. Rodrigo, soutenu par deux marins, titubait en avançant. La grotte où ils avaient dormi la veille devint un refuge improvisé pour la nuit.

    Mais une nouvelle tension surgit. Alors que Rodrigo délirait sous la fièvre, un marin à la mine dure s’exprima d’un ton froid.

    — On ferait mieux de le laisser ici. On va tous crever si on le porte sur des kilomètres.

    Le silence s’installa, pesant. Esteban le brisa aussitôt.

    — Tu comptes expliquer ça aux autres quand on rentrera ? Qu’on a laissé notre maître gabier mourir ici ?

    L’homme ne répondit rien, détournant les yeux. L’instant de mutinerie fut écarté, mais Esteban savait que la tension restait palpable.

    Ils improvisèrent un travois avec des branches pour transporter Rodrigo. La progression fut lente et douloureuse, chaque pas sur le sol rocailleux un supplice pour le blessé.

    Rodrigo, affaibli, leva les yeux vers Esteban alors qu’ils faisaient une pause.

    — T’as bien fait, gamin… Sans toi, j’y serais resté.

    Esteban hocha la tête, le poids de la responsabilité pesant sur ses épaules.

    Alors qu’ils apercevaient enfin les navires, un malaise s’empara du groupe. L’atmosphère semblait différente. Moins de bruit, moins d’agitation que d’ordinaire.

    Les marins qui les attendaient échangèrent des regards étranges, murmurant entre eux.

    — Tout est en place… Maintenant, il faut juste attendre, capta Esteban.

    Un frisson lui parcourut l’échine. La mutinerie était imminente.