Chapitre 5

Lieux

Port de Las Palmas

Entrepôt

Taverne du port

Personnages

Esteban

Rodrigo

Álvaro

Miguel

Séquences clefs

1. Arrivée au port

  • Esteban découvre l’agitation de Las Palmas.
  • Description détaillée de l’activité portuaire.
  • Sensation d’effervescence et d’ouverture sur le monde.

2. Chargement des vivres

  • Rodrigo confie une mission à Esteban.
  • Scène de labeur physique intense.
  • Esteban participe à la vie active du navire.

3. Rencontre fortuite

  • Rodrigo croise Álvaro.
  • Discussion à demi-mots sur une possible place pour Esteban.
  • Première prise de conscience d’une opportunité.

4. Négociation à la taverne

  • Changement de décor et d’atmosphère.
  • Rodrigo négocie avec l’aubergiste.
  • Miguel introduit la dimension commerciale : troc implicite entre économies et dépenses à la taverne.

5. Moment de répit et de complicité

  • Préparation mentale vers un choix à venir (en lien avec le chapitre suivant).
  • Rodrigo revient avec la bière et de bonnes nouvelles.
  • Esteban commence à s’intégrer dans le groupe.

Le vent chaud balayait le port de Las Palmas alors que l’équipage du navire de Magellan s’activait sur le pont. Depuis le bastingage, Esteban contempla l’effervescence du port. Une forêt de mâts se dressait sur l’horizon, des galions espagnols revenant du Nouveau Monde côtoyant des caravelles portugaises chargées de vin et d’épices. Sur les quais pavés, des contremaîtres surveillaient le déchargement de lourds ballots sous les cris des dockers en sueur.

Les pavés étaient tachés de sel et de poix, rendant le sol glissant sous les pas pressés des marins. Plus loin, le marché aux vivres débordait d’étals où l’on vendait du poisson séché, des fruits tropicaux et des tonneaux de biscuits de mer. Près des bureaux de la Casa de la Contratación, où s’organisent les échanges commerciaux sous l’autorité royale, des officiers en pourpoint sombre vérifiaient les registres de cargaisons et collectaient les taxes.

L’odeur du sel et du goudron mêlée aux épices transportées par le vent évoquait la promesse de contrées lointaines. Après des jours de mer, l’escale était bienvenue, mais chacun devait s’atteler à la tâche avant le prochain départ.

Rodrigo héla Esteban d’un ton brusque, couvrant le tumulte des quais. “Allez, pas de tire-au-flan! On a du pain sur la planche !” Il lui fit signe d’approcher, tendant un parchemin à l’encre encore fraîche, marqué du sceau de la Casa de la Contratación, attestant de l’approbation des officiers de la Couronne. “Le capitaine a négocié nos vivres. L’officier portuaire a validé la cargaison, maintenant faut aller la chercher.”

L’homme qui avait signé, l’un des officiers de la Couronne au regard sévère et au pourpoint de laine sombre, jetait encore des coups d’œil méfiants autour de lui. Sa ceinture de cuir portait une dague ornée, non pour le combat, mais comme symbole d’autorité sur ces docks agités.

Sans plus attendre, Esteban suivit un groupe de marins vers l’entrepôt. Là, l’animation battait son plein : des dockers suants chargeaient des sacs de blé, des tonneaux d’eau douce étaient roulés avec précaution, et l’odeur âcre du sel imprégnait l’air lourd. Chaque mouvement devenait une épreuve sous le soleil de plomb, la sueur collant les chemises aux dos tandis que les ordres fusaient sans relâche. Autour d’eux, le claquement des cordages, les cris des charpentiers et le vacarme des charrettes achevaient de transformer les quais en un véritable champ de bataille du commerce.

Après plusieurs heures, Rodrigo posa une main ferme sur son épaule. “Suis-moi, gamin.” Ils traversèrent le port jusqu’à une ruelle plus calme, où Rodrigo ralentit le pas, scrutant la foule dense.

C’est alors qu’un marin massif à la barbe grisonnante passa près d’eux, un sac de provisions sur l’épaule. Rodrigo l’interpella d’un ton surpris : “Álvaro ? Par tous les diables !”

Le vieux marin s’arrêta, haussa un sourcil avant de sourire. “Rodrigo ! Je pensais que tu avais fini par sombrer au large de Java !”

Les deux hommes échangèrent une poignée de main vigoureuse, leurs regards pétillant d’une complicité forgée par les années. “Toujours en mer ?” demanda Rodrigo.

“Toujours. Je repars bientôt, des cargaisons à livrer à Séville,” répondit Álvaro en tapotant son sac.

Esteban, intrigué, capta quelques bribes de conversation : “mousse”, “besoin de bras”, “travailleur”. Il fronça les sourcils, ressentant une pointe d’inquiétude. Rodrigo discutait-il de lui ? Álvaro hocha finalement la tête, posant une main brève sur l’épaule de Rodrigo avant de s’éloigner dans la foule.

Rodrigo observa le marin disparaître, puis se tourna vers Esteban avec un sourire énigmatique. “Viens, gamin. Il nous reste encore du labeur à faire, récupérer des produits plus frais, meilleurs que les biscuits que l’on vient de charger…”

Miguel se tourna vers Esteban avec un sourire en coin. “Rodrigo, c’est un maître dans l’art de la négociation, tu vas voir. Il sait toujours comment obtenir des prix dérisoires, mais l’aubergiste n’est pas dupe. Il sait que tout ce qu’on économise sur les provisions, on le dépensera en vin et en ragoûts sous son toit. Une affaire où tout le monde gagne !”

Alors que la nuit tombait sur le port, l’animation de la taverne montait d’un cran. Les rires fusaient, les verres s’entrechoquaient, et les effluves de ragoût épicé se mêlaient à celles du rhum et du vin canarien. Rodrigo, accoudé au comptoir, négociait âprement avec l’aubergiste, un homme trapu à la barbe poivre et sel, qui hochait la tête d’un air satisfait.

De leur table en retrait, Esteban et Miguel observaient la scène en silence, la chaleur du lieu leur offrant un répit après la journée éreintante sur les quais. Les discussions bruyantes des marins autour d’eux racontaient des histoires de tempêtes, de ports lointains et de batailles en mer.

Rodrigo finit par revenir vers eux avec un sourire victorieux. Il s’installa lourdement sur le banc et posa trois chopes écumantes sur la table. “J’ai obtenu un bon prix, comme toujours !” s’exclama-t-il. “La marchandise sera prête dans une heure ou deux. En attendant, on va boire et manger comme des rois.”

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